Je venais de terminer l’agrégation et je commençais un DEA en imagerie médicale. Quelle belle aventure cette union entre scientifiques et médecins ! Un sentiment de bonheur traversait mon être. Utiliser les sciences au service de la médecine !
Mon thème de recherche consistait à éclairer avec un laser les tendons. Peut-être aurions-nous un nouvel outil de diagnostic des maladies du tendon d’Achille. Après quelques expériences sur des matériaux synthétiques, voilà que mon directeur de recherche me dit : « Il faudrait aller à l’abattoir chercher des tendons animaux pour vérifier nos hypothèses de travail ».
Je partais là où l’on m’attendait. Sur la droite du bâtiment avançait quelques bœufs, la tête baissée, pressentant la fin en avançant vers l’étroit chenal sans retour. Un cheval terrorisé suivait aussi. Peut-il en être autrement quand l’échafaud approche. Nos regards se croisaient…
J’entrais dans cet étrange lieu. L’odeur était pesante. Les scènes se suivaient et l’on finit par me donner un sac plastique contenant quelques tendons d’Achille frais. Je sortais enfin…
Plus jamais ça ! Quelques mois plus tard, je devenais végétarien, supprimant les viandes rouges, puis les blanches. Je ne pouvais plus participer à cela, ni rémunérer indirectement ces hommes et femmes qui faisaient ce labeur dont j’étais bien incapable.
La Vie avait touché mon tendon d’Achille et tua ce qui devait mourir en moi. Cette croyance du besoin de viande.
Patrice –aurimetrie.info – 16 mars 2018